LES TALIBANS CONTRÔLENT 72% DE L’AFGHANISTAN ET MULTIPLIENT LES RAIDS

Publié le par Anomalie

 

Le meilleur spécialiste international de la question talibane, Ahmed Rashid, avait déjà sonné la sonnette s’alarme il y a plusieurs mois : les talibans ne cessent de se renforcer en capitalisant sur le fiasco de la stratégie de l’OTAN, et Al Qaida est plus puissante dans cette région clé qu’avant l’intervention américaine de 2001… Aujourd’hui, un rapport de l’ICOS (International Council on Security & Development) confirme les faits parcellaires que nous avons rapportés sur notre blog depuis des mois : les talibans sont aux portes de Kaboul, et contrôlent directement ou indirectement 72% du territoire.


 

(Lire ICI notre dossier transversal sur le désastre de la stratégie de « guerre contre la terreur » menée par George W. Bush)



Le rapport pointe trois faits majeurs, dramatiques pour la stratégie de l’OTAN dans la région : le contrôle total des zones rurales par les talibans – l’asphyxie programmée de Kaboul – la légitimité recouvrée de ces islamistes moyenâgeux auprès d’une population exsangue.


« Confiants dans leur expansion en dehors du Sud rural, les talibans sont aux portes de la capitale et s’infiltrent dans la ville à leur guise. Sur les quatre routes d’accès menant à Kaboul, trois sont compromises par l’activité des talibans », précise le rapport. « Après sept années d’occasions manquées, les talibans constituent de facto le pouvoir en place dans un bon nombre de villes et de villages dans le Sud ». Vers l’ouest, « la route n’est plus sûre tant pour les Afghans que pour les étrangers, dès l’entrée dans la province de Wardak, à trente minutes des limites de Kaboul. La route du sud à travers la province de Logar n’est pas sûre non plus. Vers l’est, en direction de Jalalabad, le district de Saroubi à une heure de route n’est pas sûr non plus », détaille le rapport. « En bloquant les voies d’accès, les talibans asphyxient la capitale et établissent des bases à proximité, à partir desquelles ils peuvent lancer des attaques dans Kaboul. Cette dynamique a créé un environnement favorable au développement des activités criminelles, et les liens entre talibans et organisations criminelles sont tels qu’il est de plus en plus difficile de distinguer les uns des autres ».



Le pouvoir mafieux et corrompu du potentat Ahmid Kerzaï, placé par les Etats-Unis, suscite la colère d’une population à bout de souffle. Il est également de notoriété publique que le propre frère d’Ahmid Kerzaï est le parrain du trafic de drogue dans le pays ! Encore plus grave, les talibans sont donc en train de gagner la confiance de la population. « En s’appuyant sur les motifs locaux de mécontentement contre l’OTAN et le gouvernement de Kaboul, de l’éradication des champs d’opium aux pertes civiles dans les bombardements, du chômage très élevé au sous-développement chronique en dépit des milliards de dollars d’aide, l’insurrection a réussi à élargir sa base de soutien traditionnel et a gagné une légitimité politique parmi de nombreux Afghans », juge le Conseil. Entre janvier et août 2008, les Nations unies ont dénombré 393 civils tués dans des frappes aériennes. Sept ans après la chute des talibans, l’Afghanistan ne dispose toujours pas des services sanitaires de base (électricité, eau courante, autosuffisance alimentaire). Bien sûr, l’OTAN conteste les résultats de ce rapport, avec le lamentable déni de réalité qui lui est propre…


Les talibans pakistanais ont opéré depuis plus d’un an la jonction avec leurs frères pachtounes afghans, et ont lancé ce week-end une impressionnante série d’attaques contre les convois de ravitaillement de l’OTAN. Cette nouvelle stratégie de la terreur avait été planifiée dès le mois de juillet par le mollah Omar et le chef taliban pakistanais Hakimullah, qui dirige la zone tribale d’Orakzaï, frontalière avec l’Afghanistan, afin de bloquer l’approvisionnement des troupes en place sur le terrain afghan. Aujourd’hui 8 novembre, 200 hommes armés ont mené un raid spectaculaire contre un dépôt de véhicules de l’OTAN près de Peshawar. Ces talibans pakistanais, extrêmement bien organisés, ont aspergé d’essence plus de 100 véhicules dont 50 camions servant au ravitaillement des troupes étrangères, avant d’y mettre le feu. La veille, une attaque similaire avait déjà détruit plus de 100 véhicules dans un terminal de la même zone. Les camions détruits étaient remplis de matériels et provisions. Il y a une semaine, des talibans avaient également mis le feu à des poids lourds chargés d’équipements pour l’OTAN.




Le Pakistan fait face, depuis plus d’un an, à un double djihad mené sur son propre sol par un couple à la stratégie complémentaire : d’un côté une offensive terroriste d’organisations proches d’Al Qaida, dont le but est de déstabiliser le géant nucléaire, et de l’autre une offensive politique des talibans alliés aux éléments islamistes de la vie politique locale, infiltrés dans les puissants services secrets (ISI), dont le but est de renverser un pouvoir officiellement pro-occidental et allié de Washington. Le président pakistanais Asif Ali Zardari s’est ainsi démarqué du double jeu permanent de son prédécesseur Pervez Musharraf, et s’est engagé dans un processus de collaboration avec les autorités indiennes dans l’enquête sur les attentats de Bombay. Au lendemain de ces attaques, l’Inde avait en effet sommé son voisin de lui livrer une vingtaine de suspects qui figuraient déjà sur une liste remise fin 2001 après l’attaque du Parlement à New Delhi. Islamabad répondait, depuis, attendre que l’Inde démontre que les assaillants étaient venus du Pakistan. C’est désormais chose faite, et Islamabad a donc, conformément à ses déclarations, accédé à la demande indienne.


Dimanche et lundi, les autorités pakistanaises ont ainsi arrêté seize personnes liées au Lashkar-e-Taiba (LeT), dont la responsabilité dans le « 11-Septembre » indien a été confirmée par les enquêteurs. Zaki-ur-Rehman Lakhvi, un commandant des opérations armées du Lashkar-e-Taïba, est désormais sous les verrous, a assuré un haut responsable des services de sécurité pakistanais. Selon les médias indiens, Zaki-ur-Rehman Lakhvi aurait été décrit par le seul assaillant qui a survécu aux attentats de Bombay comme l’un des planificateurs de ces attaques. Quatorze autres arrestations ont ciblé des camps de l’organisation caritative Jamaat-ud-Dawa, vitrine du LeT, dans la banlieue de Muzaffarabad, la capitale de la partie du Cachemire administrée par le Pakistan. Une 16ème personne, membre présumé du LeT, a été arrêtée à Rawalpindi, dans la banlieue d’Islamabad. La fondation Jamaat-ud-Dawa, qui œuvre sur le terrain pour les déshérités au Cachemire, notamment depuis le séisme dévastateur de 2005, est considérée comme l’aile politique du LeT, mouvement officiellement interdit depuis 2001, et est dirigée par le fondateur du mouvement, Hafiz Saeed. Cette organisation caritative figure sur une liste des organisations surveillées par les autorités pakistanaises et elle est considérée par les autorités américaines comme une organisation terroriste.


Pour l’heure, la pondération de l’Inde et la bonne foi coopérative du Pakistan semblent avoir fait échouer le projet des islamistes de Bombay : une nouvelle confrontation ouverte entre les deux Etats nucléaires.



Sources : ICOS| Le Monde | AFP

 

Publié dans Islam et islamisme

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S
Ah oui ?! Et ppourquoi lors de cet épisode l'Inde et le Pakistant se sont mutuellement menacés ?
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A
Triste Aïd en Inde après les attentats de Bombay<br /> <br /> <br /> Par Morgane Jézéquel | Aujourd'hui l'Inde.com | 11/12/2008 | 14H07<br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br />  <br /> <br />  <br /> (De Delhi) La fête la plus importante de l’islam, l’Aïd el-Kebir, a été célébrée cette semaine en Inde dans la sobriété, en hommage aux victimes des attentats de Bombay. Depuis le 26 novembre, les musulmans indiens multiplient ces témoignages de soutien pour réaffirmer leur condamnation du terrorisme.<br /> Rubans noirs aux poignets, banderoles à l'effigie des victimes du 26 novembre, pancartes célébrant la paix… La fête de l'Aïd el-Kebir 2008, célébrée mardi 9 décembre en Inde, n'a pas été aussi festive qu'à l'accoutumée. Treize jours plus tôt, un commando se réclamant de l'islam a assassiné, à Bombay, 172 personnes.<br /> En signe de protestation et d'hommage aux victimes, les musulmans d'Inde ont décidé de fêter sobrement l'Aïd el-Kebir. Moins d'achats luxueux, moins de sacrifices d'animaux. Et de nombreuses prières destinées aux familles des victimes.<br /> Plusieurs personnalités indiennes, de confession musulmane, se sont exprimées à cette occasion. Ainsi, la superstar bollywoodienne Shahrukh Khan a déclaré au Sunday Times of India:<br /> <br /> "Il n'y a rien de musulman dans le terrorisme. Je suis musulman, je lis le Coran, mais à aucun moment le texte ne dit que l'on peut atteindre le paradis avec le jihad."<br /> <br /> "Ils ont voulu diviser nos cœurs et nos esprits", affirme dans le Times of India Aamir Raza Husain, une légende du théâtre qui a voulu lancer un message aux terroristes avec cet Aïd à part.<br /> <br /> "C'est pour leur dire qu'ils ont échoué. Les musulmans doivent être les premiers à s'opposer à eux. Parce que sinon, nous subirons tous les conséquences de ces actes terroristes."<br /> <br /> Une minorité mal aimée<br /> Les musulmans ont beau être 150 millions en Inde, ils restent une minorité souvent mal vue par de nombreux hindous. Ainsi, les violences sont fréquentes entre les deux communautés et plusieurs analystes prévoyaient, après les attaques de Bombay, des représailles à l'encontre des musulmans. D'autant plus que le parti nationaliste hindou BJP, principal parti d'opposition, profite systématiquement des attentats pour attiser la haine entre communautés.<br /> Pour éviter un regain de tensions et de violences, les musulmans indiens ont donc immédiatement condamné les attaques de Bombay. Difficile à mettre en œuvre, étant donné qu'aucun porte-parole officiel ne peut représenter l'islam. Mais spontanément, aux quatre coins de l'Inde, les communautés musulmanes ont entrepris différents gestes pour exprimer leur indignation.<br /> Des rassemblements pacifiques ont été organisés dans plusieurs villes, réunissant plusieurs milliers de personnes. A Bombay, une marche silencieuse a parcouru lundi 8 décembre les différents lieux des attaques. Sur les pancartes, ces slogans:<br /> <br /> "Les assassins d'innocents sont les ennemis de l'Islam."<br /> <br /> <br /> "Les ennemis de notre pays sont nos ennemis."<br /> <br /> <br /> "Fermez les camps d'entraînement terroriste une fois pour toutes."<br /> <br /> En revanche, des manifestations pour commémorer la destruction, en 1992 par des fondamentalistes hindous, de la mosquée de Babri Masjid à Ayodhya ont été annulées pour ne pas attiser les tensions.<br /> Autre geste fort: des organisations musulmanes de Bombay ont refusé que les corps des terroristes soient enterrés dans leur cimetière. Hamid Abdul Razzak, président de l'organisation Dawat-e-islami, a ainsi déclaré à la chaîne de télévision indienne NDTV:<br /> <br /> "Tuer des innocents est contre l'islam. Ils ont fait honte aux millions de musulmans indiens. Ces hommes ne sont pas des musulmans. Pourquoi devrait-on leur faire une place? Il n'y a de place pour eux ni dans nos cœurs, ni dans nos cimetières."<br /> <br /> En partenariat avec: <br /> Photo: Une manifestation de musulmans indiens condamnant les attentats de Bombay, 7 décembre 2008 (Arko Datta/Reuters).<br /> <br />
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<br /> Des renforts de l'OTAN pour protéger Kaboul des talibans<br /> LE MONDE | 09.12.08 Les forces de la coalition internationale en Afghanistan ne cachent désormais plus leur inquiétude face à l'insécurité croissante qui règne dans le pays et notamment à Kaboul, la capitale du pays.L'armée américaine a confirmé, lundi 8 décembre, que la nouvelle brigade américaine de 4 000 hommes qui doit s'ajouter aux 70 000 soldats de l'OTAN déjà sur place sera déployée aux portes de Kaboul. Même si un bataillon sera envoyé dans la province très instable de Kunar, à la frontière afghano-pakistanaise, cette annonce officialise la détérioration de la situation, y compris dans la ville la plus sécurisée du pays.Ces derniers mois, Kaboul s'est transformée en véritable bunker, les ambassades et la plupart des bâtiments officiels, ceints de hauts murs de béton, sont devenus quasi inaccessibles.Les assassinats et enlèvements ciblant des humanitaires et des journalistes se sont multipliés autour et dans la capitale. Des attaques spectaculaires ont visé, en 2008, les grands hôtels de Kaboul, l'ambassade d'Inde, deux ministères afghans et le président Hamid Karzaï. Les insurgés, notamment ceux dirigés par le chef rallié aux talibans Sirajuddin Haqqani, s'y meuvent à leur guise.La nomination, mi-octobre, d'un nouveau ministre de l'intérieur, Mohammad HamifAtmar, salué par la communauté internationale pour ses compétences, n'a pas fait oublier que la responsabilité de la sécurité de Kaboul avait été confiée, cet été, aux Afghans par la France, en charge de la région centre. Une passation de pouvoir présentée comme symbolique de la stratégie de l'OTAN en Afghanistan.L'arrivée des renforts aux portes de Kaboul sonne comme un aveu d'impuissance. L'armée américaine tente désormais de sécuriser les abords de la capitale, au sud, à l'ouest et à l'est. Trois accès sur quatre autour de Kaboul ne sont plus sûrs tant pour les étrangers que pour les Afghans. Seule la vallée du Panshir, au nord, reste accessible. Parmi les secteurs à risque figure le district de Saroubi, à une heure de route de Kaboul où les dix soldats français ont été tués le 18 août. <br /> <br /> <br /> <br /> <br />  <br /> L'INSURRECTION "STIMULÉE"<br />  <br /> "Les insurgés ne prendront jamais Kaboul tant que l'OTAN est là mais la pression ne cesse de croître", concède une source américaine à Kaboul. L'état-major américain, en Afghanistan, a indiqué, lundi, que "ni le harcèlement ni les attaques des convois d'approvisionnement ne mettaient en danger la coalition".Une organisation non gouvernementale, le Conseil international sur la sécurité et le développement, a estimé, lundi, que les talibans et leurs alliés étaient présents dans "deux tiers du territoire en 2008, contre la moitié en 2007". Le mollah Omar, chef des talibans, a assuré, dimanche, que les renforts "stimuleraient l'insurrection" et il prédit que les pertes de la coalition,"qui se comptent par dizaines, se multiplieront pour se compter par centaines". <br /> <br /> Jacques Follorou<br /> <br /> <br /> <br />
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A
<br /> La galaxie djihadiste pakistanaise à l'épreuve de Bombay<br /> LE MONDE | 08.12.08 |<br />  <br /> Le docteur Houmayoun Baber Dar est un homme empli de compassion. "L'attaque de Bombay est un acte barbare, nos cœurs sont très tristes", dit-il de sa douce voix. Lunettes, barbe fournie et veste passée sur son shalwar kameez (tunique traditionnelle sur pantalon bouffant), le docteur Dar est le directeur de l'hôpital du complexe du Jamaat ud Dawa, une formation islamiste pakistanaise accusée par les Indiens d'être liée à l'assaut de Bombay du 26 au 29 novembre (163 morts) qui a rallumé la tension entre l'Inde et le Pakistan.<br />  <br /> Bâti dans la sèche campagne de Muridke, localité située à 30 km au nord de Lahore – chef-lieu du Penjab pakistanais –, le domaine est vaste. On y parvient en empruntant une piste cabossée traversant un village où les enfants se roulent dans la paille ou s'agrippent aux moutons qui, en cette avant-veille de l'Aïd, vivent leurs dernières heures avant le sacrifice.<br />  <br /> Le domaine du Jamaat ud Dawa, entouré de grillages surmontés de barbelés, est un monde à part. Une ville dans la ville. Le complexe regroupe une mosquée, un hôpital, une école secondaire et une "université islamique", 250 maisons individuelles flanquées d'un jardinet et de potagers. Une oasis d'opulence dans un environnement de poussière et de misère.<br />  <br /> Calé derrière son bureau où trônent un ordinateur et un drapeau pakistanais, le docteur Dar n'en finit pas de protester de sa bonne foi. "Il faut sauver la terre du terrorisme", clame-t-il. Rallié à l'islam puritain après un drame personnel – la mort de sa femme indonésienne et de ses deux fils lors du tsunami de décembre 2004 –, il ne comprend pas pourquoi l'Inde et les médias occidentaux s'acharnent à impliquer le Jamat ud Dawa dans l'assaut de Bombay. "Nous condamnons jusqu'au dernier degré la mort de ces innocents, insiste-t-il. Nous n'avons rien à cacher, promenez-vous dans le domaine."<br />  <br /> De fait, c'est journée "portes ouvertes" à Muridke. Abdullah Montazir, porte-parole du Jamaat ud Dawa, reçoit avec affabilité la presse étrangère et la guide dans les allées ombragées du domaine. Nulle trace d'activité militaire. On ne voit que des villageois patienter devant l'hôpital pour un traitement bon marché qui leur aurait coûté une fortune dans le système public. Au fil de cette promenade organisée, M. Montazir répète inlassablement son message : "Nous n'avons rien à voir avec le Lashkar-e-Taiba."<br />  <br /> VITRINE AVENANTE<br />  <br /> A l'en croire, le Jamaat ud Dawa n'est pas la vitrine politique du Lashkar-e-Taiba (LeT), le groupe djihadiste pakistanais dont s'est réclamé l'unique survivant des dix terroristes de Bombay dans ses aveux à la police indienne. Ou plutôt, elle le fut mais elle ne l'est plus. "Nous avons coupé les liens après son interdiction en 2002", affirme M. Montazir.<br />  <br /> L'insistance des officiels du Jamaat ud Dawa à se démarquer des activités militaires du LeT fait sourire certains observateurs. "Les deux organisations sont toujours très liées", souligne un journaliste de Lahore. Le découplage est purement formel. L'histoire du mouvement remonte à 1985 lorsqu'un professeur d'études islamiques de Lahore, Hafiz Saeed, fonde un parti politique, le Markaz ud Dawa-wal-irshad, dont la branche armée – le Lashkar-e-Taiba – rejoint le djihad en Afghanistan.<br />  <br /> A la fin de la guerre antisoviétique (1989), les combattants du LeT se recyclent à l'Est, sur la frontière avec l'Inde, où ils multiplient les incursions armées au Cachemire tout au long des années 1990. Mais après le 11 septembre 2001 et l'attaque du Parlement indien par des fedayins du LeT fin 2001, Islamabad interdit la plupart des groupes djihadistes jusqu'alors soutenus ou tolérés par ses services secrets. Le Markaz ud Dawa-wal-irshad se rebaptise Jamaat ud Dawa. Les camps du LeT s'installent à Muzaffarabad, chef-lieu du Cachemire pakistanais, loin de Lahore. Le domaine de Muridke, qui abritait des activités militaires, se reconvertit en communauté caritative.<br />  <br /> Muridke a beau être une vitrine avenante, la visite des lieux permet de mieux comprendre l'enracinement du Jamaat ud Dawa dans la société pakistanaise. Selon M. Montazir, le budget annuel du domaine se monterait à 60 millions de roupies pakistanaises (600 000 euros).<br />  <br /> Cette organisation d'obédience ahle-hadith (rigoriste) compte aujourd'hui cinq hôpitaux, des services d'ambulances dans 66 villes du pays, des dispensaires dans 160 localités. S'y ajoutent 160 écoles dont 50 madrasas (écoles coraniques). Sa force de frappe médicale a fait impression lors des séismes du Cachemire (2005) et du Baloutchistan (2008). "Le Jamaat a pu ainsi prospérer librement avec l'assentiment de l'armée car les militants du Laskhar-e-Taiba n'ont pas conduit une seule opération terroriste au Pakistan, contrairement à d'autres groupes djihadistes", souligne Azmat Abbas, journaliste à la télévision Dawn News.<br />  <br /> Les fusils au Cachemire, ou en Inde, et le prêche au Pakistan : tel était le marché conclu. Néanmoins, la pression internationale pour qu'Islamabad fasse le ménage au sein des groupes djihadistes pourrait y mettre un terme. Dimanche 7 décembre, trois membres du Jamaat ud Dawa ont été arrêtés près de Muzaffarabad par la police pakistanaise dans le cadre de l'enquête sur les attaques de Bombay.<br />  <br /> Frédéric Bobin<br />
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Les talibans sèment la peur dans Peshawar<br /> Le FigaroPar Renaud Girard, à Peshawar 08/12/2008 | <br /> Scène de chaos au Port World Logistic. Équipés de lance-roquettes et de fusils d'assaut, 400 talibans sont arrivés vers 3 heures du matin pour incendier tousles véhicules du dépôt. Crédits photo : AP<br /> Soixante-deux camions ont été incendiés, dimanche, dans un terminal utilisé pour approvisionner les troupes de l'Otan en Afghanistan.<br /> <br /> Un cauchemar. Il est 18 heures, la nuit vient de tomber sur Peshawar, la populeuse capitale de la province du Nord-Ouest, que jouxtent les Zones tribales pakistanaises. Sur la Ring Road, le périphérique local à six voies, la circulation est encore relativement intense, avec son mélange de camions peinturlurés, de 4 × 4 aux verres fumés, d'antiques rickshaws, et de camionnettes défoncées transportant les moutons vivants, qui seront tués mardi, pour la fête de l'Aïd, commémorant le sacrifice d'Abraham.<br /> Notre guide arrête la voiture devant un portail sur lequel est indiqué «Port World Logistics». Pas un chat. Pas de lumière dans la loge du gardien : il a été abattu ce matin même, peu après 3 heures. Derrière, une large colonne de fumée, faiblement éclairée par la lumière blafarde d'un lointain projecteur. Partout, des véhicules calcinés. Il y a surtout des camions porte-containers, mais aussi quelques Jeeps Humvee de l'armée américaine. Des dizaines et des dizaines de camions brûlés. À 300 mètres, on distingue les lumières d'une station-service d'Attack, l'une des compagnies pétrolières privées du Pakistan. Rutilante avec ses pompes à essence neuves, elle est intacte. Sur leur parking, trône la carcasse calcinée d'un camion pakistanais immatriculé au Balouchistan. Son container en acier noir a été visiblement épargné par les flammes. Il porte le sceau officiel de l'American Bureau of Shipping, avec l'aigle et la foudre, symboles de l'armée américaine. En lettres blanches, est également peint son numéro d'im­matriculation : APHU 6636167 4561. Sur le même côté de cet énorme container, il y a une affiche de papier blanc, collée avec du ruban adhésif. Y est écrit, en caractères machine noirs : «Case Designator B6-B-FAY». Sur une deuxième affiche, est écrit : «These items are allocated for the Afghan National Army.» En contrebas de la station-service, on distingue encore des rangées de porte-containers calcinés. Le feu a détruit l'intégralité des biens du camp logistique al-Faisal.<br /> Le personnel de la station-service nous raconte l'attaque. Équipés de lance-roquettes et de fusils d'assaut, les talibans sont arrivés à 400, vers 3 heures du matin. Ils ont bloqué la Ring Road de part et d'autre du camp al-Faisal et du Port World Logistics. Ensuite, prenant tout leur temps, les talibans ont incendié les camions un à un. Une fois leur coup fini, ils disparurent dans la nature.<br />  <br /> «Les policiers sont démotivés»<br />  <br /> Ce qu'il y a d'extraordinaire, c'est qu'il n'y a pas le moindre pompier, le moindre policier, le moindre soldat dans les environs. «Tout le monde a beaucoup trop peur», nous explique le journaliste local qui nous guide. L'un des points d'étape les plus importants de la route logistique américaine vers l'Afghanistan vient d'être détruit, mais il n'y a sur place pas la moindre force de l'allié pakistanais…<br /> Un kilomètre plus loin, au croisement d'une route vicinale longeant un canal d'irrigation, cinq policiers en uniforme bleu marine «gardent» un check-point. La barrière étant levée, les voitures - dont la nôtre - s'y engouffrent sans être arrêtées. «Les policiers sont démotivés ici», commente notre guide en haussant les épaules. «Ils sont beaucoup moins bien armés que les talibans, ils le savent, et ils tiennent à garder la vie sauve. Cette nuit, lorsqu'ils ont entendu les coups de feu de l'attaque des talibans, ils n'ont même pas bougé.»<br /> La traversée de Peshawar aujourd'hui ressemble à une visite guidée dans la capitale mondiale du terrorisme. Notre voiture passe devant le grand bazar de Kisarani, où les marchands de jus de fruit frais, debout derrière leurs étalages multicolores, interpellent en riant le chaland. Vendredi, le bazar a été victime d'un attentat suicide ayant fait quarante morts au bas mot. La vie y a déjà repris, comme si de rien n'était. Nous passons maintenant devant le stade Qayum. «Il y a quinze jours, un camion suicide y a explosé», nous raconte l'un de nos accompagnateurs, journaliste local. «C'est le gouverneur qui était visé : il assistait aux championnats nationaux d'athlétisme.»<br /> Le long de Cantonment Road, voici justement le palais du gouverneur. Stationnement interdit, rues adjacentes barrées par l'armée, il est aussi lourdement protégé que la green zone de Bagdad. Presque en face, il y a le complexe des logements officiels des députés du Parlement de la province du Nord-Ouest. Il est actuellement moins solidement gardé, parce que presque tous les parlementaires sont revenus dans leurs villages pour la fête de l'Aïd. Seuls les représentants de la vallée de Swat (dans les Zones tribales) y passeront cette nuit. Ils ont trop peur de retourner chez eux pour deux raisons. Élus en février dernier sur la liste du parti progressiste ANP, ils redoutent les talibans, mais aussi la colère de leurs électeurs, à qui ils avaient promis le retour de la paix. Le 2 octobre, le président de leur parti, Asfand Wiar Wali Khan, échappa de justesse à un attentat en plein Peshawar. Le paradoxe de la province du Nord-Ouest est que les partis islamistes y ont connu une déroute électorale sans précédent en février dernier, mais que la terreur islamiste s'y est installée partout depuis l'été.<br /> «Les talibans contrôlaient déjà tous les villages des Zones tribales. Le plus inquiétant est qu'ils se sont maintenant silencieusement infiltrés au sein même de la grande ville de Peshawar et qu'ils terrorisent tout le monde», me confie, sous couvert d'anonymat, un journaliste local, correspondant d'un grand journal en ourdou. «Beaucoup de mes confrères songent à quitter la ville, parce qu'ils ne s'y sentent plus en sécurité.» Il y a une semaine, Mushtaq Yusufzaï, le correspondant local du journal anglophone national pakistanais Daily News a été kidnappé pendant cinq jours par des talibans de la Zone tribale de l'agence de Mehmond. Il n'a été relâché que sur intervention de son oncle Raimullah, correspondant de la BBC en pachtou, l'un des journalistes bénéficiant des meilleurs contacts chez les talibans.<br /> À Peshawar, naguère arpentée par d'innombrables humanitaires occidentaux, on ne croise plus un seul étranger dans la rue. Il y a un mois, trois incidents consécutifs ont fait fuir les étrangers : l'assassinat du directeur américain de l'US Aid et de son chauffeur par des tueurs en 4 × 4 qui avaient bloqué la ruelle où il habitait ; l'enlèvement d'un diplomate iranien ; l'enlèvement raté d'un journaliste japonais et de son correspondant (tous les deux grièvement blessés dans cette attaque).<br /> La réalité est que la guerre américaine en Afghanistan a débordé de ses frontières pour venir jusqu'au cœur de la capitale d'une des quatre provinces de l'État fédéral pakistanais.<br />  <br /> Les talibans paradent<br />  <br /> «Les choses se sont aggravées considérablement depuis l'été et le ramadan», nous confie l'habitant d'un village du Waziristan, de passage à Peshawar. «Le 23, le 25 et le 29 août, les drones américains se sont mis à lancer des missiles sur nos villages. Après, ces attaques n'ont plus cessé. Comme elles ont tué de nombreuses femmes et enfants innocents, elles ont monté toute la population contre les Américains et contre le gouvernement pakistanais, considéré comme son collaborateur. Moi-même, j'étais auparavant plutôt pro-américain. Mais après avoir vu les corps déchiquetés de ces enfants, je suis devenu l'ennemi irréductible des Américains !»<br /> De fait, les attaques au Pakistan contre les convois logistiques d'équipement américain vers l'Afghanistan ont commencé à cette époque, dès la fin du ramadan. Le 4 octobre, deux jours après la fin du jeûne, un convoi était attaqué dans l'agence de la passe de Khaybar, trois chauffeurs furent tués, et un soldat pakistanais du Frontier Corps enlevé. Butin : six Jeeps Humvee. On voit aujourd'hui les talibans parader sur ces Jeeps américaines dans la Zone tribale voisine de l'agence de Khoram… Depuis, cinq autres convois ont été attaqués par les talibans, qui ne jurent toujours que par le mollah Omar.<br /> Durant sa campagne électorale, Barack Obama avait promis un retrait progressif d'Irak, mais un accroissement de l'implication américaine en Afghanistan. Le futur président mesurera dès le 20 janvier le risque qu'il courra d'être entraîné beaucoup plus loin, peut-être presque jusqu'à la Ring Road de Peshawar…<br />
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