FOCUS : L'EXTRÊME DROITE EN CROATIE ET EN MACÉDOINE

Publié le par Anomalie

Nous poursuivons notre série sur l'extrême droite européenne en générale et balkanique en particulier avec la Croatie et la Macédoine, où le nationalisme, quoique bien moins important qu'en Bosnie et en Serbie, fait toujours florès.


MACÉDOINE. Avant les affrontements armés de 2001 opposant le pouvoir macédonien à l’islamo-marxisme des séparatistes albanais de l’UÇKM, le petit État balkanique faisait figure d’oasis de stabilité dans une ex-Yougoslavie ravagée par les guerres et l’ultranationalisme. Alors que les militants albanais les plus radicaux envisagent toujours une « unification nationale » des « terres albanaises » des Balkans, qui impliquerait un démantèlement de la Macédoine, le pays s’interroge parallèlement sur son identité, au confluent des influences slaves, grecques et bulgares. Alors que le scrutin législatif de 2006 avait été érigé en modèle de transparence dans une région balkanique sous tension, les élections législatives anticipées du 1er juin 2008 ont été émaillées de fraudes et d’affrontements communautaires mortels. La déclaration unilatérale d’indépendance du Kosovo voisin a, comme en Serbie, radicalisé les positions des maximalistes des deux camps.

 

Le VMRO-DPMNE (Mouvement de la Révolution Interne Macédonienne-Mouvement démocratique pour l’unification nationale macédonienne), héritier des mouvements de libération nationale formés contre l’occupant ottoman à la fin du XIXème siècle, est la grande formation de droite nationaliste qui dirige aujourd’hui le pays. Historiquement, le VMRO revendiquait l’identité bulgare du peuple slave de Macédoine. Dans les années 1930, une sanglante lutte interne opposa l’aile pro-bulgare du VMRO au courant favorable à une Macédoine indépendante. Le VMRO actuellement au pouvoir à Skopje appartient au courant particulariste, affirmant le caractère national spécifique des Macédoniens. L’aile la plus nationaliste du VMRO-DPMNE reste cependant sensible aux vieilles sirènes bulgares, poussant à l’exacerbation des tensions entre Albanais et Macédoniens pour précipiter une partition du pays. Une fois « débarrassée » de la question albanaise, une Macédoine amputée de son quart nord-ouest formerait un territoire où les Slaves macédoniens seraient en écrasante majorité, quitte à ce que cette « petite » Macédoine s’unisse, finalement, à la Bulgarie. C’est pourquoi la branche la plus maximaliste du VMRO-DPMNE, menée par son fondateur et ancien Premier ministre Ljupčo Georgievski, a quitté le parti en 2004 pour créer une formation dissidente d’extrême droite : le VMRO-NARODNA (Mouvement de la Révolution Interne Macédonienne-Parti du Peuple), qui a réalisé une percée aussi importante qu’inattendue lors des élections législatives du 5 juillet 2006, avec 6,12% des suffrages et 8 sièges. Le mouvement ultranationaliste n’a pas réédité cette surprise lors des élections anticipées du 1er juin 2008, et pour cause : feu de paille conjoncturel, il s’est dissous peu avant le scrutin et n’a pas présenté de candidats. La plupart des militants du VMRO-NARODNA ont réintégré la formation-mère du VMRO-DPMNE.

 

L’importante minorité albanaise de Macédoine (25% de la population) a aujourd’hui repoussé les tentations nationalistes de la « Grande Albanie ». Représentée par deux partis albanais (l’un plutôt de gauche, l’autre plutôt conservateur), elle participe activement à la vie politique relativement apaisée de ce petit Etat balkanique qui a échappé à la folie guerrière des années 90.


CROATIE. De l’indépendance du pays (en 1991) jusqu'en 1999, la Croatie fut dirigée d’une main de fer par le président Franjo Tudjman, chef du HDZ (Communauté Démocratique Croate). Premier parti croate, le HDZ, formation anti-communiste, occupait un espace proche de la démocratie chrétienne en 1990, mais l’aile radicale et guerrière de Franjo Tudjman a rapidement pris le dessus, les modérés quittant le parti en 1994 pour protester contre la politique de Tudjman en Bosnie-Herzégovine et les tendances autoritaires de son régime. À la mort du dictateur en décembre 1999, le parti s’est effondré au profit des sociaux-démocrates, mais a reconquis le pouvoir lors des législatives du 23 novembre 2003, sous la houlette d’Ivo Sanader (33% des suffrages et 66 élus). Désormais recentré, le HDZ a abandonné toute rhétorique guerrière et ultranationaliste, et se positionne aujourd’hui comme un parti conservateur traditionnel, résolument pro-européen : le Premier ministre croate, Ivo Sanader, a été reconduit pour un second mandat après les élections législatives du 25 novembre 2007. Le HDZ, qui reste très implanté dans la Krajina et en Slavonie orientale (régions sécessionnistes serbes durant la guerre d’indépendance), a retrouvé aujourd’hui son audience des années 90. Il n’en demeure pas moins que le parti reste le principal soutien des criminels de guerre croates, qu’il a réintégrés dans la société civile au nom de la « réconciliation nationale ».

 

L’extrême droite est principalement représentée par deux partis : le HSP, Parti Croate du Droit (Hrvatska stranka prava), dirigé par Ante Đapić, et le HDSS-B, Alliance démocratique croate de Slavonie et Baranja (Hrvatski demokratski Savez Slavonije i Baranje) dirigé par Krešimir Bubalo. Le paysage politique de l’extrême droite croate était entièrement dominé par le HSP jusqu’en 2006, date à laquelle s’est constitué le HDSS-B à partir de l’aile extrémiste du HDZ de Slavonie orientale. Recréé en 1991 sur l’héritage d’un parti nationaliste croate éponyme fondé en 1861, le HSP s’est immédiatement rangé derrière les bellicistes menés par Franjo Tudjman pendant la guerre, et ses milices en ont constitué le bras armé. Les Forces Croates de Défense (HOS), arborant l’insigne des oustachis pro-nazis, sont en effet accusées de crimes de guerre lors des affrontements avec les Serbes à Vukovar. En 1995, malgré les protestations de la communauté internationale, les HOS ont été intégrées à l’armée croate. Lors des élections législatives du 25 novembre 2007, le HSP, avec 3,35% a subi une véritable déroute, ne sauvant qu’un seul siège sur les huit qu’elle détenait, et brisant ainsi un cycle d’expansion continue depuis les élections législatives de janvier 2000 (5,20% et 4 sièges) et de novembre 2003 (6,40% et 8 sièges). Ante Đapić a également perdu la mairie d’Osijek, où des municipales partielles étaient organisées. La grande ville de Slavonie orientale, région fortement marquée par la guerre et où l’ultranationalisme anti-serbe reste très présent, était dirigée par une coalition entre le chef du HSP et l’aile ultra du HDZ, devenue le HDSS-B. Le HSP a en effet subi la concurrence d’un nouveau parti régionaliste d’extrême droite, le HDSS-B fondé le 21 juin 2006 par deux dissidents de l’aile dure du HDZ de Slavonie, dont ils ont été exclus, Krešimir Bubalo et Branimir Glavaš. Branimir Glavaš, l’ancien « baron » du HDZ en Slavonie orientale, fait figure de « vainqueur » des élections législatives du 25 novembre 2007, puisque si son Alliance démocratique croate de Slavonie orientale et de Baranja (HDSS-B) n’a remporté que 1,86% des suffrages à l’échelle nationale, elle a néanmoins envoyé 3 députés au Sabor. Branimir Glavaš illustre la difficile problématique croate de la présence d’éléments extrémistes au sein du HDZ, de l’armée, et d’autres institutions du pays, malgré les pressions de la communauté internationale : le chef du HDSS-B est en effet sous le coup d’une procédure judiciaire pour crimes de guerre après le massacre de 17 Serbes pendant le conflit serbo-croate.



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