NIGERIA : LES TALIBANS LANCENT LE DJIHAD

Publié le par Anomalie

Après l’Afghanistan, le Pakistan, et la Somalie, c’est au tour de quatre Etats du Nord du Nigeria, Yobe, Kano, Borno et Bauchi, d’être confrontés au djihad lancé par une secte fondamentaliste se réclamant des talibans, le Boko Haram. Cette explosion de violence qui aurait déjà fait plus de 300 victimes depuis 3 jours s’inscrit dans une configuration géographique et ethnique complexe, et dans un contexte de tensions religieuses latentes entre chrétiens et musulmans d’une part, et entre musulmans et islamistes d’autre part. La ligne de démarcation ethnique entre le Nord et le Sud du pays se superpose globalement à une ligne de démarcation religieuse : le Nord du pays est majoritairement peuplé d’une ethnie de confession musulmane, les Haoussa, tandis que les Yorubas et les Ibos, chrétiens et animistes, dominent le Sud du pays. Depuis 2001, les douze Etats à majorité musulmane du Nord du pays ont promulgué la charia, mais comme dans la vallée de Swat au Pakistan, l’application de la loi islamique s’est avérée trop peu « rigoureuse » aux yeux des fanatiques islamistes, qui projettent la création d’un Emirat islamique sur le modèle afghan du mollah Omar.


De fait, les islamistes du Boko Haram partagent les mêmes caractéristiques que leurs frères d’armes talibans de Somalie (
Shabaab el Mudjahiddin) et du croissant pachtoune d’Afghanistan et du Pakistan. Très jeunes, anciens étudiants de madrasas, les djihadistes œuvrent avant tout à une réislamisation totale des mœurs et de la justice, autour d’un projet totalitaire de façonnement global de l’être humain. Le moteur de la guerre sainte y est une interdiction de toute éducation, mesure visant essentiellement les jeunes filles : le terme même de Boko Haram se traduit par « l’éducation est un péché ». Autour de cette matrice s’articulent toutes les autres facettes du projet totalitaire : interdiction du cinéma, du théâtre, de la télévision ; peine de mort, lapidation ou amputation pour les possesseurs d’appareils photographiques ou de lecteurs DVD, pour les danseurs, les musiciens ; iconoclasme (interdiction de toute représentation humaine, y compris les poupées pour les petites filles) ; réorganisation de l’éducation autour de la religion ; prohibition de toute relation sexuelle hors mariage, exclusion des femmes du marché de l’emploi, qui ne peuvent quitter la maison sans être accompagnées de leurs maris ; restrictions vestimentaires et hygiéniques (port et longueur de barbe réglementaires, rasage des aisselles et du pubis etc.). Ustaz Mohammad Yusuf, émir autoproclamé du Boko Haram, décrits sans ambages les contours de son projet : « la démocratie et l’actuel système d’éducation doivent être abolis, ou alors nous vous mettons en garde : la guerre sainte qui commence aujourd’hui risque d’être longue ».


Connu également sous son nom arabe, Al Sunna Wal Jamma (« les adeptes de l’enseignement de Mahomet »), le Boko Haram a été fondé au début de l’année 2002 à Maiduguri et s’est fait connaître en janvier 2004 en établissant un camp d’entraînement baptisé « Afghanistan » dans le village de Kanamma, au nord de l’Etat de Yobe, sur lequel flottait le drapeau des talibans afghans. Depuis, le mouvement a lancé des attaques sporadiques contre des postes de police ou des villages. Dans un entretien avec l’AFP en 2005, l’un des dirigeants du Boko Haram, Aminu Tashen-Ilimi, avait indiqué que ces attaques étaient les prémisses d’une insurrection armée généralisée visant à nettoyer la société de l’immoralité et de l’infidélité. Une rhétorique martiale qui laisse circonspects les spécialistes, le mouvement n’ayant, de l’avis général, aucunement les moyens de ses ambitions. Considéré par le pouvoir comme une secte de fanatiques, sans véritable visée politique, le Boko Haram subit les assauts répétés de l’armée et de la police qui en démantèlent régulièrement les enclaves. Le mouvement n’en demeure pas moins extrêmement dangereux, comme en témoignent les massacres de ces trois derniers jours. 


 

Publié dans Islam et islamisme

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L'armée écrase la révolte des «talibans» nigériansLe Figaro 31 juillet 2009Des fondamentalistes capturés par l'armée nigériane. Les affrontements ont fait plus de 600 morts. Crédits photo : AFPL'opération de rétablissement de l'ordre a tourné au carnage à Maiduguri, le fief des «talibans», un mouvement fondamentaliste musulman prônant l'éradication de la culture occidentale. Les heurts qui ont débuté dimanche dans le nord-est du Nigeria ont viré au bain de sang lorsque d'importants renforts sont entrés en action dans la nuit de mercredi à jeudi. Une troupe de plus d'un millier de militaires équipée de blindés a pris d'assaut au canon de 90 mm et à la mitrailleuse lourde les bastions défendus par des islamistes armés de grenades artisanales. Elle a bombardé le quartier général de Mohammed Yusuf, le chef des insurgés, ainsi qu'une mosquée. Quelque 200 membres de la secte seraient morts dans l'attaque. Des témoins ont assuré avoir vu des dizaines de cadavres éparpillés dans les rues et assisté à des exécutions sommaires. Le chef de la secte aurait été exécuté sommairement peu après son arrestation, selon une source policière ayant requis l'anonymat, alors qu'une télévision locale montrait des images de sa dépouille.Les autorités ont frappé fort pour étouffer dans l'œuf le soulèvement. Elles craignaient un embrasement généralisé des États musulmans où la cohabitation entre la majorité musulmane et la minorité chrétienne est rythmée depuis des années par des heurts ethnico-religieux sanglants. Lancée dimanche avec l'attaque par les «talibans» d'un poste de police dans l'État de Bauchi, la vague de violence a rapidement gagné les régions voisines.«L'Occident est un péché»Conscient de la gravité de la situation, le président Umaru Yar'Adua a expliqué vouloir «se débarrasser une fois pour toutes» de la secte. Apparus en 2004, les extrémistes du groupe Boko Haram («l'Occident est un péché») sont surnommés les «talibans» par les habitants du cru. Ils n'ont cependant pas de filiation directe avec l'Afghanistan ou al-Qaida. Leur chef, qui circulait en Mercedes, rejetait les théories darwiniennes et était convaincu que la Terre n'est pas ronde. Ses menaces n'avaient pas été prises au sérieux par le gouvernement qui aurait fini par comprendre avoir laissé se développer un «monstre».
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