MCCAIN OU ALORS… L’APOCALYPSE !
Nous avons eu droit à tout : Obama musulman, Obama terroriste, Obama islamiste, Obama socialiste, Obama l’Antéchrist… Rien n’y fait : le candidat démocrate caracole toujours en tête des sondages, à 15 jours de l’échéance. Alors le café du commerce néoconservateur bruit de sa dernière trouvaille populiste, un classique des armées en déroute : si le candidat républicain perd l’élection, alors le monde basculera dans les ténèbres. C’est nous, ou le chaos. Ce point de vue « millénariste » est de toute éternité le couplet favori de l’extrême droite. Avec une nouveauté de ce millésime 2008 : élire Barack Obama signerait la victoire d’Al Qaida et des ennemis de l’Occident !
Élire Barack Obama, c’est en effet ouvrir la Maison-Blanche à une cinquième colonne islamo-défaitiste, rappelant les pires heures de l’attitude munichoise d’apaisement qui a offert l’Europe à Hitler sur un plateau. Elire Barack Obama, c’est envoyer un signal de faiblesse à tous les terroristes de la Terre et à leurs alliés islamo-gauchistes qui s’empresseront de l’exploiter pour avancer leurs pions sur l’échiquier de la conquête globale d’un Occident affaibli. George W. Bush et les néoconservateurs sont les seuls à avoir compris les ressorts du nouveau monde contre ces idiots utiles aux recettes passéistes qui s’apprêtent à élire le candidat de la décadence occidentale. Ils sont les seuls remparts possibles face à cette offensive globale des ténèbres. Accoudés au comptoir du café du commerce, les néoconservateurs préparent donc les esprits à une responsabilité démocrate dans l’explosion crainte – et souhaitée – de violences à venir. Ils préparent ainsi également leurs arguments pour éviter d’être tenus pour responsables. Les voilà maintenant qui prévoient une détérioration globale de la situation que George W. Bush était parvenue non sans mal à améliorer. Et que font ces ingrats d’Américains ? Déboussolés et inconscients, ils s’amourachent de ce Hussein Obama, marionnette incompétente et crypto-islamiste portée par la crise financière ! Si Obama est élu, ce seront huit années de croisade acharnée et victorieuse contre la barbarie qui partiront en fumée. Une nuit de quatre ans s’abattra alors sur la Terre, mais les vaillants combattants de la Liberté et de Dieu seront là au moment de reconstruire, bons princes, et les démocrates seront relégués dans une opposition de cinquante ans. Alors, il faudra bien en revenir aux méthodes radicales…
Quittons maintenant le café du commerce et regardons les faits tels qu’ils se présentent et non comme les néoconservateurs les fantasment. Posons l’hypothèse de l’élection d’Obama. Soyons certains qu’à la minute même où il sera investi en janvier 2009, Obama sera tenu personnellement responsable de la moindre attaque islamiste ! Les néoconservateurs claironneront alors : nous avions raison, l’Apocalypse est à nos portes ! Or les faits suggèrent radicalement l’inverse. Al Qaida n’a jamais été aussi puissante qu'aujourd'hui en Afghanistan et au Pakistan. L’organisation terroriste s’est renforcée dans le Maghreb et au Yémen. Les islamistes sont en progression partout où des élections un tant soit peu « libres » sont organisées. Depuis 2003 et la livraison de l’Irak au chaos, les Chrétiens chaldéens sont contraints à l’exil ou au massacre dans des proportions jamais vues depuis plus de cent ans. On se rapproche lentement mais sûrement d’une partition ethnique de l’Irak, seul moyen de garantir la fragile démocratie du pays. Un territoire pour les chiites, et autre pour les sunnites, sans oublier la part des Kurdes et même une cerise pour les Chrétiens. La paix, pour eux, ne se conçoit que comme une juxtaposition permanente de territoires ethniquement purs. Chacun chez soi, la haine confite derrière des murs. Quelle politique a conduit à ce désastre ? La politique que les néoconservateurs présentent justement comme le seul rempart possible contre l’islamisme et pour la préservation des valeurs de l’Occident !
Quand les néoconservateurs serviront leur soupe propagandiste – car ils ne manqueront pas de le faire – nous ne pourrons pas dire : nous ne savions pas. Pour eux, définitivement, peu importe la réalité ou les conséquences de leurs actes : seul compte le Récit, la Mythologie. C’est aux faits de s’adapter à leurs chimères. Pas l’inverse.
La croisade des talibans contre Islamabad Par François Hauter, envoyé spécial à Islamabad
Entre le 12 juillet 2007 et le 15 octobre 2008, 139 attentats ont endeuillé le pays. La capitale est aujourd'hui devenue la cible numéro un des terroristes.
Muhammad, pour un salaire ridicule, a décroché le job le plus risqué d'Islamabad. Crispé sur sa vieille mitraillette, il surveille, serré dans son uniforme marronnasse, un poste de contrôle situé à quelques centaines de mètres du carrefour de Khayavan et de Constitution Avenue. C'est là le point d'accès central vers la «zone rouge», désormais interdite à la circulation, englobant l'enclave diplomatique de la capitale du Pakistan, le dernier hôtel international encore debout et les palais officiels. Alors que les copains de Muhammad sont planqués der rière lui, bien abrités dans des casemates fortifiées, il scrute à découvert chaque conducteur de véhicule, chaque passager qui se présente, dans une cohue absolue, devant la chicane de plots en béton barrant l'avenue. «Seras-tu celui qui prendra ma vie ?», dit son regard, que l'on ne peut oublier.
Depuis la reconquête de la Mosquée rouge, où s'étaient retranchés des centaines de talibans jusqu'à ce qu'ils soient tous tués par l'armée le 12 juillet 2007, Islamabad perd inexorablement son charme de délicieuse ville jardin. « Avant juin, explique un diplomate occidental, nous avions un attentat suicide tous les six ou sept jours. En ce moment, c'est tous les deux ou trois jours. Quand les kamikazes ne peuvent pas passer les checkpoints, ils se font sauter ».
Entre le 12 juillet 2007 et le 15 octobre 2008, 139 attentats ont endeuillé le Pakistan : 57 bombes et 82 kamikazes, qui ont tué 1 322 personnes. Autant que les pertes de l'armée pakistanaise dans ses opérations de guerre contre les talibans, dans le nord-est du pays.
La nouveauté depuis l'attentat du 2 juin dernier - ce jour-là, une voiture suicide s'était jetée contre l'ambassade du Danemark - est que la capitale est aujourd'hui devenue la cible numéro un des terroristes. « La ville se bunkérise, constate le responsable de la sécurité d'une ambassade européenne. Le gouvernement va faire construire une muraille de béton longue de 15 km autour de la zone rouge. L'article le plus demandé en ville est le bloc de béton, que l'on se chipe ».
Une puissance nucléaire au bord du gouffre L'arroseur est arrosé : le Pakistan, après avoir fait surgir la force talibane grâce à l'argent de la CIA dans les années 1980, afin de chasser les Soviétiques d'Afghanistan et d'exercer un contrôle sur ce pays, en subit maintenant l'effet boomerang : les talibans s'attaquent à l'État lui-même. Avec une assurance, une arrogance extrêmes. Comme à Bagdad, plus personne ne se sent à l'abri à Islamabad.
Les terroristes frappent où et quand ils le veulent. Le 9 octobre, les députés et sénateurs du pays s'étaient enfermés dans le Parlement en marbre blanc de la capitale. Les chefs de l'armée leur demandaient d'avaliser leur stratégie antitalibans. Les policiers avaient mobilisé 7 000 hommes pour assurer la sécurité de cette réunion où se retrouvait toute l'élite politico-militaire pakistanaise. À midi, les généraux entamaient leurs briefings. À la même heure, à quelques kilomètres, les talibans faisaient sauter le QG des forces antiterroristes. « Ils sont devenus une bombe incontrôlable », explique Emmanuel Giroud, de l'AFP, dont la maison a été détruite par le souffle des 600 kg d'explosif ayant démoli l'hôtel Marriott, le 20 septembre dernier.
Le Pakistan, depuis sa naissance en 1947, n'a jamais été un jardin d'Éden. La violence est inscrite dans les gènes d'une société largement féodale, dont les élites n'ont jamais favorisé l'éclosion d'une classe moyenne pouvant remettre en cause privilèges ou codes d'honneur d'un autre âge. Ainsi l'État consacre-t-il des sommes minimales à l'Éducation, laissant aux madrasas, les écoles cora niques financées par l'Arabie Saoudite, le soin d'endoctriner des millions d'adolescents dans un islam sectaire, primitif et antioccidental.
Tout cela fabrique un pays pauvre, en faillite. Comme le remarque Tanvir Ahmad Khan, ancien ministre des Affaires étrangères et directeur du Centre des études stratégiques d'Islamabad, la crise dans laquelle se débat maintenant le pays « n'est pas nouvelle, mais c'est la pire. Les capacités des ennemis de l'État n'ont pas diminué, elles se sont accrues. Le centre de gravité de la crise afghane a basculé vers le Pakistan ». En clair, le Pakistan, puissance nucléaire, est au bord du gouffre.
L'armée, qui est un État dans l'État (elle absorbe 40 % du budget national), tente de sauver ce qui peut l'être. Depuis le 6 août, elle est entrée en guerre ouverte contre les talibans, qu'elle veut écraser pour les amener à négocier. Trois fronts sont ouverts : le contrôle étroit de la Khyber Pass, celui de la vallée de Swat, et un autre parmi les sept districts qui composent les «zones tribales», celui de Bajaur. Zahid Hussain, l'un des meilleurs spécialistes des talibans, explique que ces combats «très violents» mobilisent 30 000 des 120 000 soldats pakistanais envoyés dans ces «zones tribales» : « Les combats sont permanents, l'armée utilise des F-16, des hélicoptères Cobra, l'artillerie lourde et des tanks contre les 4 000 talibans, très bien entraînés et équipés, qui ont fait de Bajaur leur base centrale ». Sur les 700 000 habitants de la région, 200 000 ont fui.
Le général Athar Abbas, porte-parole de l'armée pakistanaise, précise que Bajaur « était devenu une république talibane, un territoire quasi indépendant, où les talibans imposaient leurs tribunaux, leurs impôts, leurs écoles interdites aux filles. Nous avons déjà perdu 1 300 hommes, avec 3 000 blessés. Oui, les combats sont intenses, car les talibans, comme le Viêt-cong, ont creusé des tunnels, ils reviennent nous attaquer derrière nos lignes. Il nous faudra encore plus d'un mois pour les sortir de là ».
Combats cruels, car dès que des fonctionnaires ou des chefs tribaux proches de l'armée sont capturés, ils sont exécutés : après avoir aiguisé un couteau sous les yeux des victimes, les talibans leur sectionnent lentement la tête, avant d'abandonner les cadavres aux chiens. On met en vente libre des films de ces exécutions à Islamabad, afin d'imprimer dans les esprits que l'on ne saurait résister à la terreur talibane sans risquer ces atroces supplices.
Protecteurs de l'identité pachtoune
Qui sont ces talibans de la seconde génération, aussi bien en Afghanistan qu'au Pakistan ? Ils sont tous des Pachtounes, même si tous les Pachtounes sont loin d'être des talibans. Ils vivent de part et d'autre de la frontière entre le Pakistan et l'Afghanistan. Les talibans, explique un diplomate occidental, sont souvent considérés comme des Robins des Bois, ils se battent contre les vieilles coutumes des chefs traditionnels, ils défendent l'islam contre les modes de vie étrangers, et surtout ils s'affirment les protecteurs de l'identité pachtoune contre toutes les armées qui prétendent occuper leur territoire, qu'elles soient pakistanaises ou occidentales.
Les Pachtounes constituent 45 % de la population afghane, et ils sont aussi nombreux dans les deux pays. Durant ces 250 dernières années, ils ont été les maîtres des gouvernements successifs de Kaboul. Depuis 2001, ils sont très faiblement représentés dans le gouvernement afghan, contrôlé par des Ouzbeks, des Tadjiks et d'autres ethnies minoritaires. Longtemps, les Pachtounes pakistanais ont prêté main-forte à leurs frères d'Afghanistan, contre les tribus du Nord, les Américains et les forces de l'Otan. Depuis que l'armée pakistanaise s'attaque aux talibans pakistanais, les talibans afghans sont partis au secours de leurs camarades pakistanais. L'argent de l'opium (100 000 ha cultivés en zone pachtoune, 8 000 tonnes d'héroïne produites chaque année) alimente la guerre des talibans.
Al-Qaida est aujourd'hui très proche des talibans, considérablement renforcée grâce à ces soutiens locaux. Mais, face à l'armée pakistanaise, affirme Zaffar Abbas, le rédacteur en chef du quotidien Dawn, à Islamabad, « les talibans perdent le contrôle de la situation, ils ne peuvent pas vaincre militairement. Ils attaquent donc des cibles civiles dans la capitale. Il y aura en ville de plus en plus d'attaques suicidaires ».
Islamabad, avec ses frises de barbelés, ses casemates en sacs de sable, ses blocs de béton qui barrent les avenues, a l'air d'une ville encerclée. Sur les bazars, les commerçants se lamentent, leurs chiffres d'affaires ont sombré de 70 %. « J'emmène mon fils à l'école tous les matins, raconte Emmanuel Giroud, et chaque fois que nous sommes coincés dans un encombrement, devant les checkpoints, nous sommes très nerveux. Avec une ceinture d'explosifs, vous tuez tout le monde à cinquante mètres alentour ». Une voiture de pompier est stationnée en permanence devant l'entrée de l'enclave diplomatique et l'ambassade de France. « Pour laver à grandes eaux les taches de sang sur le goudron, au prochain attentat », dit un Européen, désabusé. |
Chut ! Ce reportage ne saurait être valide : Obama n’est pas encore élu, la situation s’améliore donc grâce à la politique néoconservatrice ! Reportage à ouvrir en janvier 2009…